Changement de fournisseur et frais de résiliation : ce qu'il faut savoir

Dans un contexte de forte volatilité des prix de l’énergie, nombre de consommateurs — qu’ils soient particuliers ou professionnels — ont été tentés ces dernières années de résilier leur contrat de fourniture avant son terme, espérant bénéficier d’offres plus avantageuses ailleurs. Ce mouvement s’est parfois heurté à une réalité contractuelle encore méconnue il y a quelques années : l’application de frais de résiliation anticipée. Si ces frais sont encadrés, leur légitimité, leur montant et leurs conditions de mise en œuvre varient sensiblement selon le profil du client, l'offre de fourniture et le fournisseur concerné.

Dans cet article, nous revenons sur les grands principes encadrant la résiliation des contrats d’électricité avant échéance, en distinguant clairement les règles applicables aux consommateurs particuliers, aux petites entreprises, et aux clients grands comptes. Nous soulignons également les évolutions possibles. 

Maxime Gouzes

1. Le principe du libre changement de fournisseur : une liberté encadrée

Le droit européen (directive 2019/944/UE) et le droit français garantissent à chaque utilisateur final d’électricité la possibilité de changer de fournisseur sans frais excessifs ni obstacles injustifiés. Cette liberté n'exonère toutefois pas nécessairement les utilisateurs de toute conséquence financière. Dès lors qu’un contrat a été conclu pour une durée déterminée et à prix fixe, la résiliation anticipée peut en effet entraîner un préjudice économique pour le fournisseur, susceptible d’être compensé par des frais contractuellement prévus.

2. Des règles différenciées selon votre profil et votre offre

Le régime applicable en matière de frais de résiliation anticipée dépend étroitement du statut du client. En effet, le droit français opère une distinction nette entre les consommateurs particuliers, les petits professionnels et les grandes entreprises, chacun étant soumis à des règles spécifiques en matière de résiliation, de pénalités et de protection contractuelle.

a) Particuliers et non-professionnels : l’interdiction des frais de résiliation

En droit français, les consommateurs et les non-professionnels (puissance inférieure à 36 kVA) bénéficient actuellement d’un droit au changement de fournisseur sans frais, en application de l’article L. 224-15 du Code de la consommation. Cette disposition interdit de leur facturer des frais de résiliation, même lorsque le contrat est à prix fixe et à durée déterminée.

Il s’agit d’un choix délibéré du législateur français. Car contrairement à une idée répandue, le droit européen n’interdit nullement aux États membres de prévoir de tels frais : dans un arrêt du 8 mai 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a ainsi confirmé que les états membres pouvaient prévoir qu’un consommateur soit redevable d'une pénalité contractuelle en cas de résiliation anticipée d’un contrat d’électricité à prix fixe et à durée déterminée, à condition que :

  • cette pénalité soit équitable, claire, préalablement communiquée et librement acceptée, ET
  • qu’un recours effectif permette d’en apprécier la proportionnalité.

Le régime protecteur instauré en France au profit des consommateurs et non professionnels pourrait ainsi évoluer à l’avenir, si le législateur choisissait d’introduire une contribution financière pour les ruptures anticipées de contrats à prix fixe. Certains acteurs du marché, comme l'Association Française Independante de l'Electricité et du Gaz, militent d'ailleurs en ce sens, tandis que d'autres, comme le Médiateur National de l'Energie, y sont fermement opposés. 

b) Petites entreprises et collectivités : des frais encadrés mais possibles

 Les clients professionnels de petite taille (moins de 50 salariés et chiffre d’affaires ou total de bilan inférieur à 10millions d’euros) bénéficient également d’une protection renforcée en matière de résiliation anticipée, en vertu des articles L. 332-2 et suivants du Code de l’énergie.

Des frais de résiliation ne peuvent leur être appliqués que si toutes les conditions suivantes sont réunies :

  • Le contrat est à prix fixe ;
  • Il est conclu pour une durée déterminée ;
  • La résiliation intervient à l’initiative du client ;
  • Le montant des frais a été clairement communiqué avant la signature ;
  • Les frais sont proportionnés au préjudice économique réel subi par le fournisseur.

A défaut de satisfaire à ces conditions, toute facturation est susceptible d’être contestée. 

Si vous avez souscrits à une offre qui n'est pas à prix fixe, notamment en raison de la facturation d'un complément de prix indexé sur les marchés, vous pourriez ainsi contester les frais de résiliation qu'entend vous facturer votre fournisseur. 

La charge de la preuve de la perte économique directe subie devrait en principe peser sur le fournisseur conformément à l’article 12 §3de la Directive 2019/944 et les règles générales de procédure civile. 

 c) Moyennes et grandes entreprises : une liberté contractuelle sous contrôle

Pour les plus grandes entreprises (plus de 50 salariés ou chiffre d’affaires supérieur à 10 millions d’euros), aucune réglementation spécifique ne limite les frais de résiliation. Le régime applicable est celui du droit commun des contrats : les frais sont valables s’ils sont clairement stipulés, proportionnés et fondés sur une justification économique réelle.

Toute clause ambiguë, imprécise, ou entraînant un déséquilibre manifeste pourrait être contestée sur le fondement du droit commun (notamment les articles 1163 et 1171 du Code civil ainsi que l'article l.442-1 du Code de commerce).

3. Le principe de proportionnalité : un garde-fou essentiel

Même lorsque les frais de résiliation sont autorisés, ils pourraient être contestés s'ils dépassent manifestement le préjudice réellement subi par le fournisseur. En pratique, cela signifie que le fournisseur doit être en mesure de démontrer la perte réellement subi du fait de la résiliation anticipée du contrat, et notamment la preuve des achats d'électricité effectués et de leur revente. 

A l'occasion d'une affaire portée devant la CJUE, la Cour a ainsi jugé qu'en présence d'une clause prévoyant l'application d’une pénalité contractuelle correspondant au montant total de l’électricité non consommée, les professionnels devaient disposer d'un recours effectif afin de permettre au juge ou à l’autorité compétente de contrôler la proportionnalité de la pénalité au cas d’espèce, et, le cas échéant, d’en ordonner la réduction ou la suppression.

En pratique, ceci signifie donc que le fournisseur doit être en mesure de démontrer

  • qu’il a subi une perte concrète du fait de la rupture du contrat (par exemple, une revente de l’électricité initialement achetée pour le compte de son client à un prix inférieur au prix contractuel) ;
  • que cette perte ne pouvait être évitée ;
  • que le montant facturé n'apparait pas disproportionné au regard de cette perte. 

A cela s'ajoute, selon la CJUE, le fait que la clause, fondant l'application de frais de résiliation, doit être claire, compréhensible et librement acceptée. 

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Chez Solary Avocat, nous pouvons vous accompagner dans l'analyse de votre situation et la contestation de vos factures et contrat si votre fournisseur n'a pas respecté ses obligations.

 4. L’avis du Médiateur national de l’énergie et le sort des clients gaz

Dans ses derniers rapports d’activité, et notamment celui de 2024, le Médiateur national de l’énergie (MNE) a souligné l’augmentation notable des litiges relatifs aux frais de résiliation anticipée. Il rappelle que, si ces frais sont licites dans certains cas bien précis, ils ne doivent jamais constituer un obstacle déguisé à la liberté de choix du fournisseur.

Le Médiateur recommande une réglementation plus claire et plus stricte, notamment pour mieux encadrer la fixation de ces frais pour les clients professionnels. Il milite pour que les obligations d’information précontractuelle soient renforcées, et que les fournisseurs soient contraints de justifier systématiquement l’origine et le montant du préjudice invoqué.

Par ailleurs, il préconise une extension des règles protectrices applicables aux petits consommateurs d’électricité à ceux du gaz naturel, qui restent aujourd’hui dans une zone d’incertitude juridique.

En effet, les textes actuellement en vigueur ne prévoient pas d’interdiction claire des frais de résiliation pour les clients professionnels en gaz, ce qui génère des pratiques hétérogènes et parfois contestables.

Le MNE invite en conséquence les pouvoirs publics à uniformiser les régimes juridiques de l’électricité et du gaz, afin de garantir une lisibilité accrue des droits des consommateurs et de prévenir les litiges à répétition.

A cet égard, les clients professionnels titulaires d'un contrat de fourniture de gaz peuvent espérer que la situation évolue favorablement pour eux, puisque le législateur européen a publié le 13 juin 2024 une directive sur le marché intérieur du gaz renouvelable, contenant des dispositions analogues à celles de la directive de 2019 sur l'électricité qui a donné lieu à l'encadrement des frais de résiliation pour les contrats de fourniture d'électricité.

 5. Quels recours en cas de frais de résiliation ?

Lorsqu’un client considère que les frais de résiliation sont injustifiés ou excessifs, une analyse au cas par cas de la situation et des termes du contrat doit être effectuée afin d’identifier tous les leviers pouvant être invoqués en vue de contester les frais de résiliation.  

Ces leviers peuvent tenir notamment :

  • à la qualité du client (professionnel, non professionnel)
  • à la typologie d'offre et la puissance souscrite
  • à l’information fournie en amont de la signature du contrat,
  • aux termes du contrat et notamment, lorsque le client en bénéficie, au respect des dispositions protectrices applicables aux petites entreprises,
  • aux modalités concrètes de calcul et de justification par le fournisseur des frais de résiliation applicables, ainsi que de la perte économique subie.

En pratique, l’expérience montre que la qualité des clauses de frais de résiliation varient grandement selon les contrats, et leur date d’édition, avec des leviers plus ou moins importants de contestation ou, a minima, de négociation. 

Une fois les leviers identifié, les recours possibles peuvent consister en :

  • la formulation d'une contestation écrite documentée et argumentée auprès du fournisseur, en vue de contester les frais de résiliation et/ou solliciter des explications et justificatifs idoines quant aux montants facturés ;
  • la saisine du MNE ou d’un autre médiateur, notamment le médiateur des entreprises, à défaut de réponse satisfaisante de la part du fournisseur,
  • Une action en justice en vue (i) de contester la validité de la clause et, en cas de paiement effectué avant toute contestation, (ii) de solliciter le remboursement des frais indument acquittés.  

 De manière générale, nous constatons qu'une réclamation initiale bien documentée et argumentée peut fortement influencer l'issue d'un dossier.

6. Le rôle de l’avocat en cas de frais de résiliation anticipée

En cas de frais de résiliation contesté, l’intervention d’un avocat peut être un véritable atout pour sécuriser juridiquement vos démarches et maximiser les chances de succès de votre contestation. Le rôle de l'avocat s’articule autour de plusieurs axes clés, de la prévention du contentieux à la défense judiciaire du client. 

a) Prévention et protection de vos intérêts

Un avocat peut vous aider en amont de tout litige afin de contrôler et, le cas échéant, renégocier les termes de votre contrat de fourniture d'électricité ou de gaz et notamment la clause de frais de résiliation. 

Pourquoi c’est important ? Anticiper les difficultés, avec un cadre juridique clair et protecteur permet de réduire les risques de litige ultérieur, notamment en évitant toute ambiguïté sur les clauses encadrant la définition et les conditions de résiliation de votre contrat. 

b) Défense de vos droits 

L’intervention d’un avocat en présence d’un litige sur les frais de résiliation qu’entend facturer votre fournisseur peut maximiser les chances de succès de votre contestation. L'avocat va notamment pouvoir identifier rapidement les textes de droit applicable et leur non respect.

c) Action amiable et judiciaire 

A défaut d'accord avec le fournisseur, l'avocat va pouvoir engager les procédures amiables et judiciaires adaptées à votre situation:

  • Procédure de médiation : rapide, confidentielle et gratuite, la procédure de médiation permet de solliciter l'appui d'un tiers en vue de rechercher un accord amiable avec le fournisseur. Bien souvent, elle peut permettre de débloquer une situation enlisée ou une perte de dialogue entre les parties ;
  • Procédure judiciaire : Lorsque le paiement des frais de résiliation est manifestement injustifié et le dialogue avec le fournisseur totalement rompu, l'avocat va pouvoir vous défendre devant les tribunaux en vue de contester les frais de résiliation sollicités et/ou les relances intempestives ou agressives du fournisseur en vue d'en obtenir le paiement. 

Chez Solary Avocat, nous pouvons vous accompagner à chaque étape, de la prévention à la contestation amiable ou judiciaire des frais de résiliation sollicités, avec des solutions sur-mesure adaptées à vos besoins.

Contactez-nous pour un premier échange gratuit sur votre dossier et découvrez comment nous pouvons vous aider.

Conclusion : des frais à surveiller, un cadre à faire évoluer ?

La question des frais de résiliation anticipée dans les contrats d’électricité soulève des enjeux juridiques et économiques majeurs. Si les consommateurs bénéficient aujourd’hui d’une exonération totale, cette situation pourrait évoluer dans le contexte actuel de recomposition du marché énergétique.

Quant aux professionnels, ils doivent lire attentivement leurs contrats et ne pas hésiter à contester toute clause qui ne respecterait pas les exigences de transparence, de justification et de proportionnalité.

Solary Avocat vous accompagne dans l’analyse, la renégociation ou la contestation de vos contrats d’énergie.

Frais de résiliation : vos questions fréquentes

Les fournisseurs d'électricité et de gaz peuvent-ils librement appliquer des frais de résiliation ?

Non. Les frais de résiliation ne sont possibles que dans certains cas strictement encadrés. Pour les particuliers et non-professionnels, ils sont interdits par l’article L. 224-15 du Code de la consommation. Pour les petites entreprises, ils ne sont valables que si plusieurs conditions cumulatives sont réunies : contrat à prix fixe, durée déterminée, montant communiqué avant signature, justification économique, etc.

Les frais de résiliation doivent-ils être justifiés ?

Oui. Le fournisseur doit démontrer que les frais correspondent à une perte économique réelle supportée à raison de la résiliation anticipée du contrat. À défaut, ils peuvent être contestés. Cette exigence découle notamment de la directive européenne 2019/944.

Que faire si je conteste les frais de résiliation appliqués ?

Commencez par adresser une réclamation écrite argumentée à votre fournisseur. Si la réponse est insatisfaisante, vous pouvez saisir le Médiateur national de l’énergie ou, le cas échéant, le Médiateur des entreprises. En dernier recours, une action en justice peut être engagée pour contester la clause et demander le remboursement des sommes versées à tort. Pour toutes ces démarches, nous pouvons vous accompagner.

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Et si on échangeait ?

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