Le cadre juridique du déploiement des compteurs Linky
La généralisation des compteurs communicants ne relève pas d’un choix unilatéral d’Enedis, mais s’inscrit dans une stratégie nationale de modernisation du réseau électrique, impulsée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015. Cette législation vise notamment à optimiser la gestion de l’énergie et à préparer l’intégration des énergies renouvelables dans le mix énergétique français.
Juridiquement, les compteurs Linky demeurent la propriété des autorités organisatrices de la distribution d’électricité — généralement des communes ou des syndicats intercommunaux —, mais leur gestion opérationnelle (pose, maintenance, remplacement) est exclusivement confiée à Enedis, en vertu de son rôle de concessionnaire du service public de distribution.
Plusieurs textes encadrent cette mission :
- L’article L. 322-4 du Code de l’énergie, qui attribue à Enedis la gestion des ouvrages nécessaires à la distribution publique d’électricité ;
- Les articles R. 341-4 et suivants, qui précisent les modalités de remplacement des compteurs ;
- La directive européenne 2009/72/CE, qui impose à chaque État membre la mise en place de systèmes de comptage intelligents.
Le remplacement des anciens compteurs par des modèles communicants ne relève donc pas d’une initiative commerciale isolée, mais bien d’une obligation de service public. En conséquence, l’usager, même s’il est propriétaire de son logement, ne peut revendiquer un droit de veto sur l’installation du compteur, y compris lorsque celui-ci est physiquement implanté à l’intérieur de sa propriété.
L’arrêt du 9 avril 2025 : une jurisprudence sans équivoque
Par un arrêt rendu le 9 avril 2025 (1re civ., n° 23-21.311), la Cour de cassation a définitivement clos le débat juridique en rappelant que le refus d’un usager ne peut faire échec à l’exécution d’une mission de service public confiée à Enedis.
Dans cette affaire, deux usagères parisiennes avaient invoqué leur droit de propriété pour s’opposer à la pose d’un compteur communicant sur leur installation, située en domaine privé. La Cour a écarté cet argument, considérant que l’opération s’inscrivait dans un cadre légal et qu’elle poursuivait un but d’intérêt général. En outre, les conditions générales d’accès au réseau imposent clairement aux utilisateurs l’obligation de permettre l’intervention des agents d’Enedis pour poser, entretenir ou remplacer le compteur.
Cette décision, qui s’inscrit dans le droit fil de nombreuses autres jurisprudences, confirme l’impossibilité juridique de s’opposer durablement à la modernisation du comptage. Elle s’ajoute à plusieurs décisions antérieures ayant :
- annulé les arrêtés municipaux ou les délibérations locales visant à bloquer le déploiement (TA Toulouse, 10 sept. 2018, n° 1803737),
- rejeté les recours en responsabilité civile intentés contre Enedis (TGI Bordeaux, 17 avril 2019),
- rappelé la compétence exclusive d’Enedis en matière de gestion des installations (CE, 11 juill. 2019, n° 426060).
Quels risques en cas de refus du compteur Linky ?
Si le refus de l’usager ne constitue pas en soi une infraction pénale ou un manquement administratif directement sanctionné, il n’en demeure pas moins qu’il peut entraîner des conséquences sérieuses, tant sur le plan financier que contractuel.
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Des frais de relève manuelle
Le client qui refuse l’installation du compteur communicant se retrouve dans l’obligation de régler des frais dits « de relève résiduelle », fixés à 8,30 € tous les deux mois par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Ces frais compensent le déplacement d’un agent Enedis chargé de relever manuellement la consommation, faute de transmission automatique des index. Ce surcoût, qui avoisine 50 € par an, est légalement fondé et régulièrement mis à jour par les autorités de régulation.
Une restriction des services disponibles
Le compteur Linky offre de nombreux avantages : visualisation en temps réel de la consommation, suivi personnalisé sur l’espace client, accès à des offres dynamiques, possibilité de téléopérations (mise en service, changement de puissance). En refusant l’appareil, l’usager se prive de ces fonctionnalités et limite de facto l’optimisation de sa consommation. Cela peut également compliquer toute tentative de changement de fournisseur ou de mise en place de contrats à tarification variable.
Une instabilité contractuelle
En cas de refus persistant, Enedis — ou le fournisseur — peut adresser une mise en demeure au client pour qu’il respecte ses engagements contractuels. À défaut d’exécution, la résiliation du contrat peut être prononcée, avec à la clé une possible interruption de la fourniture d’électricité. Même si ce scénario reste relativement rare, il ne peut être totalement écarté.
Des régularisations imprévues
L’absence de compteur communicant entraîne une facturation sur la base d’estimations, parfois éloignées de la consommation réelle. Cela génère des écarts importants à l’occasion des relevés physiques, avec un risque de régularisations parfois élevées, susceptibles de déséquilibrer le budget du foyer.

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Des arguments systématiquement rejetés par les juridictions
Les consommateurs opposés à Linky invoquent régulièrement des motifs de santé publique, de protection des données ou de respect de la vie privée. Pourtant, aucun de ces griefs n’a convaincu les juridictions à ce jour.
L’argument sanitaire
Certains opposants évoquent les risques supposés liés aux ondes électromagnétiques. Toutefois, les études menées par l’ANSES et les mesures effectuées par l’ANFR démontrent que les émissions des compteurs Linky sont inférieures à celles de nombreux appareils du quotidien (téléphones portables, Wi-Fi, micro-ondes). Aucun lien de causalité n’a été reconnu entre les symptômes allégués et le dispositif.
La protection des données personnelles
La CNIL a validé la conformité du système Linky au RGPD. Les données de consommation ne sont transmises que sous réserve du consentement du client lorsqu’il s’agit de pas de 30 minutes. Elles sont par ailleurs anonymisées, chiffrées, et ne peuvent être exploitées à des fins commerciales sans autorisation explicite. Le risque d’atteinte à la vie privée apparaît donc, juridiquement, très faible.
L’atteinte à la propriété privée ou aux libertés fondamentales
La jurisprudence rappelle que l’exécution d’un service public dans un cadre légal ne constitue pas une atteinte illégitime à la propriété privée. L’intérêt général justifie les limitations apportées à certains droits, dès lors qu’elles sont encadrées par la loi et proportionnées à l’objectif poursuivi.

Peut-on encore espérer obtenir un compteur non communicant ?
La réponse, en droit, est clairement négative. Les décisions de justice convergent pour dire qu’aucune disposition légale ne prévoit un droit au maintien d’un ancien compteur ou à l’obtention d’un appareil dépourvu de fonctionnalités communicantes. Les rares cas où Enedis accepte un report de pose sont le fruit de négociations individuelles, sans portée juridique généralisable. Il ne s’agit donc en aucun cas d’un droit opposable.
Conclusion : une opposition juridiquement difficile, mais non totalement dénuée de droits pour l’usager
S’il apparaît aujourd’hui difficile, pour ne pas dire illusoire, de s’opposer durablement à l’installation d’un compteur Linky, il convient néanmoins de souligner que cette impossibilité juridique n’emporte pas un droit d’accès absolu et inconditionnel au domicile de l’usager. En effet, Enedis, en tant que gestionnaire du réseau public, ne peut forcer matériellement l’entrée dans une propriété privée sans autorisation judiciaire ou sans avoir respecté un certain formalisme préalable.
Par ailleurs, l’absence de compteur communicant ne prive pas automatiquement l’usager de ses droits, notamment en matière de facturation. Même sans dispositif Linky, l’abonné conserve le droit d’être facturé sur la base de sa consommation réelle, à condition qu’il transmette régulièrement ses index. Il peut également contester toute régularisation excessive, exiger une explication détaillée de la méthode de calcul utilisée par le fournisseur, et engager un recours en cas de surfacturation injustifiée.
Ainsi, le refus n’est pas sans conséquences, mais il ne saurait non plus entraîner une dépossession complète des droits élémentaires du consommateur d’énergie. L’enjeu réside alors dans l’accompagnement juridique, la médiation contractuelle et, le cas échéant, la recherche de solutions équilibrées entre les impératifs du gestionnaire de réseau et les droits légitimes de l’usager. Loin d’être un simple geste de défi, ce refus peut engendrer des conséquences lourdes : frais supplémentaires, pertes de services, instabilité contractuelle, voire litiges prolongés.
Il est donc recommandé d’opter pour une approche pragmatique, fondée sur la compréhension des obligations mutuelles entre usagers et gestionnaire de réseau. Notre cabinet accompagne toute personne confrontée à un contentieux énergétique ou à un différend contractuel avec un fournisseur d’électricité ou un acteur du secteur.
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Compteur Linky : Vos questions juridiques les plus fréquentes
Puis-je légalement refuser l’installation d’un compteur Linky chez moi ?
Non. Le remplacement des anciens compteurs par des modèles communicants Linky s’inscrit dans une obligation de service public prévue par la loi sur la transition énergétique. Même si le compteur est situé sur une propriété privée, l’usager ne dispose pas d’un droit de veto, comme l’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 9 avril 2025.
Quels sont les risques si je refuse la pose du compteur Linky ?
Refuser le compteur Linky n’est pas une infraction pénale, mais cela entraîne des conséquences : frais de relève manuelle (environ 50 € par an), limitation des services (suivi conso, opérations à distance), possible rupture de contrat et risque de régularisations importantes si les factures sont basées sur des estimations.
Puis-je garder mon ancien compteur ou demander un modèle non communicant ?
Non. La législation et la jurisprudence confirment qu’il n’existe aucun droit au maintien d’un ancien compteur. Les rares reports ou aménagements accordés par Enedis restent des mesures exceptionnelles, sans valeur de droit opposable.
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